Comprendre son bulletin de salaire
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Tous les salariés ne peuvent pas prendre acte de la rupture de leur contrat.
La prise d’acte entraine la cessation immédiate du contrat de travail mais une fois la prise d’acte effectuée, le salarié devra saisir le Conseil des prud’hommes. Les juges décideront alors s’il s’agit d’une démission ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est donc un mode de rupture risqué pour le salarié car son issue est incertaine.
Il existe une alternative à la prise d’acte : la résiliation judiciaire du contrat.
Définition prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail peut être envisagée par un salarié qui considère que le comportement de son employeur rend impossible le maintien du contrat de travail.
Ainsi, le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat en impute l’entière responsabilité à son employeur.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est ni défini, ni réglementé par le Code du Travail.
C’est la jurisprudence qui a construit ce mode de rupture.
Ni une démission, ni un licenciement
Au moment de la prise d’acte, la rupture du contrat n’est ni une démission ni un licenciement, ce sont les juges des Prud’hommes qui détermineront si la prise d’acte est justifiée ou pas.
Si elle était justifiée, il s’agira d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si elle était injustifiée il s’agira d’une simple démission.
Conclusion : la prise d’acte doit être maniée avec précaution par le salarié.
Qui peut prendre acte de la rupture ?
Prise d’acte uniquement pour les salariés en CDI
Seul un salarié en CDI peut prendre acte de la rupture de son contrat en raison des faits reprochés à son employeur.
Le salarié titulaire d’un mandat de représentant du personnel peut prendre acte de la rupture.
Par contre, un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) ne peut pas prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Pas de prise d’acte en cours de période d’essai
Un salarié ne peut pas prendre acte de la rupture de son contrat au cours de la période d’essai, même en cas de manquement grave de l’employeur à l’une de ses obligations contractuelles.
Cass. soc. 07-02-2012 n° 10-27525Pas de prise d’acte de la part de l’employeur
Un employeur ne peut pas prendre acte de la rupture du contrat aux torts du salarié, le seul moyen pour lui de rompre un contrat est d’engager une procédure de licenciement.
Quand prendre acte de la rupture ?
Le salarié peut prend acte à tout moment et ce même s’il se trouve en maladie, en accident du travail, en congés payés ou s’il est déclaré inapte.
La prise d’acte peut même intervenir au milieu d’une procédure de licenciement c’est-à-dire alors même que le salarié a déjà assisté à un entretien préalable.
Il est par contre inutile de prendre acte après la notification du licenciement (après la réception de lettre de licenciement) car le contrat est déjà rompu.
La prise d’acte peut aussi intervenir alors que le salarié a déjà engagé une action contre son employeur devant les prud’hommes.
Jurisprudence : Cass. soc. 28-06-2006 n° 04-43431 et Cass. soc. 21-12-2006 n° 04-43886Formalités de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Formalités du salarié
Il n’existe pas de formalisme particulier ni de procédure particulière afin de prendre acte de la rupture de son contrat, cependant l’employeur doit être averti d’une façon ou d’une autre de la prise d’acte.
Ainsi, il est conseillé au salarié d’envoyer à son employeur une lettre recommandée avec accusé de réception ou de lui remettre une lettre directement en main propre. Ce formalisme permettra de dater précisément la prise d’acte et de ne laisser planer aucun doute sur le mode de rupture. Les motifs de la prise d’acte de rupture du contrat de travail devront être mentionnés dans la lettre.
Un salarié peut également faire effectuer la prise d’acte par un avocat.
Formalités de l’employeur : réaction à la prise d’acte
L’employeur n’est pas tenu de répondre au salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat. Il n’est pas, par exemple, obligé de lui fournir une lettre de licenciement.
Cependant nous verrons plus loin qu’il est obligé de lui remettre des documents de fin de contrat.
Rétractation de la prise d’acte
La prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne peut être rétractée par la suite car elle entraine la rupture immédiate du contrat.
Faits justifiant et ne justifiant pas une prise d’acte
Principe
Rappelons ici que la prise d’acte doit être maniée avec précaution, car si les griefs invoqués contre l’employeur ne justifient pas la rupture du contrat, la prise d’acte aura les effets d’une démission !
Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur que lorsqu’il lui reproche de ne pas respecter ses obligations de façon grave ce qui rend impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Il en est ainsi lorsque l’employeur a une attitude fautive ou qu’il est coupable d’une inexécution de ses obligations contractuelles ou conventionnelles.
Il faut que les faits fautifs ou les inexécutions des obligations contractuelles ou conventionnelles de l’employeur soient suffisamment graves.
Jurisprudence : Cass. soc. 30-03-2010 n° 08-44236Faits justifiant une prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, les faits suivant justifient la prise d’acte et produisent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- non-paiement d’heures supplémentaires ou de commissions
- travail dissimulé du salarié
- non-respect du droit au repos hebdomadaire
- harcèlement moral de l’employeur
- harcèlement sexuel de l’employeur ou d’autres salariés
- non-respect de la réglementation relative à la lutte contre le tabagisme en ne faisant pas respecter l’interdiction de fumer
- interdire à un salarié d’accéder à son lieu de travail pendant 3 jours et ne pas lui fournir de travail
- ne pas organiser la visite de reprise à la suite d’un arrêt de travail pour maladie ou d’accident du travail
- entrave à l’exercice d’une activité syndicale
- ne pas avoir effectué le maintien de salaire auquel le salarié avait droit durant un arrêt de travail pour maladie ou accident du travail
- modification par l’employeur de la partie variable de la rémunération sans accord du salarié
- suppression d’un avantage en nature sans accord du salarié
- diminution par l’employeur du taux horaire sans accord du salarié
- modification du contrat de travail malgré le refus du salarié
- affectation du salarié sur un poste à horaires de travail de nuit alors qu’il travaille de jour
- rétrogradation avec baisse de la rémunération sans l’accord du salarié
Faits ne justifiant pas une prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, les faits suivant ne justifient pas la prise d’acte et produisent donc les effets d’une démission :
- le retard d’une journée dans le paiement du salaire en raison des jours fériés
- non-paiement d’heures supplémentaires lorsque l’existence de celles-ci n’est pas prouvées
- léger retard dans le paiement de frais professionnels
- erreur de calcul de la prime d’ancienneté
- erreurs dans le calcul des taux de commissions
- simple retard dans l’organisation de la visite de reprise d’un salarié de retour d’un arrêt de travail pour maladie
- tâches supplémentaires ponctuelles demandées au salarié pour pallier la compression des effectifs, correspondant à sa qualification et constituant une simple modification de ses conditions de travail
Effets et conséquences de la prise d’acte de la rupture du contrat
La prise d’acte peut produire les effets soit d’une démission, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce sont les juges des Prud’hommes qui une fois saisit par le salarié en décideront.
Effets immédiats : rupture du contrat
La date d’effet de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est immédiate, elle entraîne la cessation sans délai du contrat, ainsi le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
La rétractation d’une prise d’acte est impossible.
Délivrance des documents de fin de contrat par l’employeur
Comme pour toute autre rupture du contrat de travail, l’employeur doit obligatoirement remettre au salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat :
- une attestation Pôle emploi (Ex-Assedic)
- un certificat de travail
- un reçu pour solde de tout compte
L’employeur devra remettre ces documents au salarié immédiatement après la prise d’acte.
Sur l’attestation Pôle Emploi, l’employeur devra faire figurer la mention « prise d’acte de la rupture du contrat de travail ».
Lorsque Pôle emploi reçoit l’attestation, elle n’est pas en mesure de savoir si la prise d’acte va produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’une démission, ils devront donc attendre la décision judiciaire.
Refus de délivrer les documents de fin de contrat
Si l’employeur refuse de délivrer les documents de fin de contrat, il pourra être condamné à le faire sous astreintes par le juge des référés.
Saisine du conseil de prud’hommes
Une fois la prise d’acte effectuée, le salarié devra saisir le Conseil des prud’hommes.
Les juges examineront la demande du salarié afin de déterminer si les griefs reprochés à l’employeur sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte. Si la réponse est oui alors la prise d’acte sera un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si la réponse est non il s’agira d’une simple démission.
Effets d’une démission
Si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est reconnue comme une démission alors dans ce cas le salarié n’aura droit ni à une indemnité de licenciement, ni à une indemnité compensatrice de préavis, ni à des dommages et intérêts, ni même à une indemnisation chômage par l’Assedic.
L’employeur pourra même demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis non effectuée par le salarié.
Effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dans ce cas le salarié aura droit à des indemnités lors de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
- une indemnité de licenciement
- une indemnité compensatrice de préavis
- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Salarié protégé = licenciement nul
Si la prise d’acte justifiée émane d’un salarié protégé (délégué du personnel, délégué syndical …), alors elle aura les effets d’un licenciement nul.
Le salarié protégé pourra alors demander sa réintégration, s’il ne le fait pas son ex-employeur devra lui verser :
- une indemnité égale à la rémunération brute qu’il aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et la fin de la période de protection
- une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et une indemnité réparant le préjudice lié au caractère illégale de la rupture (minimum de 6 mois de salaire)
Démission requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Il arrive parfois qu’une démission soit en fait une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Tel est le cas lorsque le salarié prend l’initiative de la rupture en faisant comprendre que cette démission découle d’un comportement fautif de l’employeur ou lui est imposée par ce dernier.
Exemple
La démission d’un salarié qui écrit » je démissionne de mon poste car vous ne m’avez pas payé mes heures supplémentaires « .
L’intérêt de la requalification est double :
- la démission ne donne pas droit à indemnisation par le régime d’assurance-chômage, le salarié qui obtient la requalification de la démission en prise d’acte pourra se faire indemnisé par le chômage
- il obtiendra une indemnité de licenciement, de préavis et des dommages-intérêts
Alternative à la prise d’acte : demande en résiliation judiciaire du contrat
Le risque élevé de la prise d’acte
Comme nous l’avons vu précédemment, la prise d’acte de la rupture du contrat produira les effets soit d’un licenciement, soit d’une démission. Pour rappel, ce sont les juges du conseil de prud’hommes qu’ils le décideront.
Pour ces raisons, la prise d’acte est une opération pour le moins dangereuse pour le salarié car son issue est incertaine !
En effet, si c’est la démission qui est retenue, le salarié se verra privé de toutes indemnités et d’allocations chômages.
L’alternative : la demande en résiliation judiciaire du contrat
Un salarié qui ne veut pas prendre le risque d’une prise d’acte doit demander la résiliation judiciaire de son contrat.
La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail :
- si les griefs reprochés à l’employeur sont avérés, la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- s’ils ne le sont pas, la demande de résiliation sera rejetée et le contrat de travail sera maintenu.
Enfin, tant que cette décision n’est pas rendue, le salarié continue à travailler et à être payé normalement.
Excellent article Clair, précis, lisible par le plus grand nombre avec, cerise sur le gâteau, les références de la jurisprudence Bravo !