L’usage est une pratique consistant à accorder habituellement un avantage déterminé aux salariés.
(ex. : prime de 13ème mois, jours de congés supplémentaires, ….).
L’usage concerne communément une entreprise, mais il existe aussi des usages locaux propres à une région, une ville ou voire même à une profession déterminé.
Une pratique n’acquiert la valeur d’un usage que si elle répond à 3 critères suivants : constance, généralité et fixité.
Caractéristique de l’usage en entreprise
Les usages sont caractérisés par la réunion de 3 caractères : généralité, fixité et constance de l’avantage reconnu aux salariés.
Constance
La constance suppose que l’avantage est accordé régulièrement de façon répétée et périodique.
Exemple
Une prime de 13ème mois accordée chaque année sans exception sur la paye de novembre.
Ce critère interdit de considérer comme un usage tout acte occasionnel et discrétionnaire de l’employeur.
Cass. soc. 20 octobre 1994, n° 93-42800 DGénéralité
Pour qu’un avantage soit considéré comme un usage, il faut également qu’il soit octroyé à tous les salariés de l’entreprise sans exception ou à toute une catégorie déterminée du personnel.
Cass. soc. 26 octobre 1979, n° 78-41113Si l’employeur instaure, de façon discrétionnaire, une prime à certains salariés et pas à d’autres, il ne peut pas s’agir d’un usage.
Fixité
L’usage n’existe que si l’employeur accorde l’avantage selon des critères précis et/ou un mode de calcul déterminé.
Cass. soc. 17 octobre 2012, n° 11-12517 DExemple
Si le montant d’une prime dépend des capacités financières de l’entreprise, elle ne constitue pas un usage.
Preuve de l’usage
C’est au salarié invoquant l’existence d’un usage qu’incombe d’apporter la preuve de l’existence de cet usage.
Tolérance, erreur et pratiques illicites
Usage et erreur
L’usage résulte d’une volonté implicite et non d’une erreur de l’employeur. Pour avoir valeur d’usage, il faut que sa volonté ne soit pas équivoque.
Cass. soc., 9 juin 2017, n° 16-17.094Exemple
Le versement de primes consécutives à une erreur d’interprétation d’une convention collective, même répétée pendant plusieurs mois, ne crée pas forcément un usage pour les salariés.
Usage et tolérance
En général, une tolérance ne constitue pas un usage sauf éventuellement lorsqu’elle prend la forme d’une pratique généralisée en place depuis plusieurs années.
Usage et pratique illicite
Une pratique illégale ne peut pas constituer un usage, même si elle répond aux critères de constance, de généralité et de fixité.
Exemple
Un usage instaurant une discrimination entre les salariés à temps partiel et ceux à temps plein est illicite.
L’employeur peut être tenu d’y mettre fin sans respecter la procédure de dénonciation.
Caractère obligatoire de l’usage
Renonciation impossible pour le salarié
Dès lors qu’un usage est caractérisé comme tel, cette pratique devient obligatoire pour l’employeur. Il doit donc accorder l’avantage en question aux salariés, et ce même si le salarié y a renoncé dans son contrat de travail, car une telle clause est nulle.
cass. soc. 27 mars 2001, n° 98-44292Suppression impossible sans dénonciation de l’employeur
Sans formalité, l’employeur ne peut pas supprimer un usage, il doit mettre en œuvre la procédure de dénonciation pour le retirer.
Il ne peut pas non plus le modifier ni le remplacer par un autre avantage, dans ces 2 cas, il doit également passer par la procédure de dénonciation, sauf s’il le remplace par un accord collectif ayant le même objet.
Exemple
Remplacement d’une prime de noël par des jours de congé supplémentaires.
Dénonciation de l’usage par l’employeur
Principes de la dénonciation
L’employeur est libre de mettre fin à un usage en le dénonçant, il n’a pas à étayer sa décision.
Cependant, il est interdit de dénoncer un usage pour un motif illégale par exemple dans un but punitif.
Jurisprudence Cass. soc. 5 novembre 2003, n° 01-45207 DProcédure de dénonciation
Pour que l’usage soit valablement dénoncé, l’employeur doit suivre une procédure précise de dénonciation :
- informer individuellement les salariés
- informer les institutions représentatives du personnel
- respecter un délai de prévenance suffisant pour permettre de possibles négociations
Information des salariés
L’employeur doit informer les salariés de son intention de dénoncer l’usage, s’il s’agit d’un avantage dont il bénéficie.
Cass. soc. 27 mars 2008, n° 07-40437 DNéanmoins, dans le cas où l’usage en question est subordonné à une condition d’ancienneté, l’employeur ne peut pas se seulement informer les salariés qui satisfont cette condition au jour de la dénonciation, il doit informer tous ceux qui étaient susceptibles d’en profiter, même s’ils n’ont pas l’ancienneté requise au jour de la dénonciation.
Cass. soc. 13 octobre 2010, n° 09-13110L’employeur doit remettre par écrit cette information à chaque salarié concerné.
Un affichage, une annonce faite lors d’une réunion ou une mention portée sur le bulletin de paie ne suffisent pas.
Jurisprudence Cass. soc. 9 avril 2002, n° 00-41783Information des représentants du personnel
Après inscription à l’ordre du jour, l’employeur informe lors d’une réunion le comité d’entreprise (CE) ou le comité social et économique* (CSE) du projet de dénonciation.
Jurisprudence Cass. soc. 5 janvier 2005, n° 02-42819Pour les délégués du personnel ou les membres du CSE dans une entreprise de moins de 50 salariés, cette information est donnée lors de la réunion mensuelle et individuellement par écrit.
S’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel, il n’y a pas d’obligation de consultation.
Délai de prévenance
Lorsque l’employeur informe les salariés et les institutions du personnel de son projet de dénonciation, il indique à quelle date l’usage cessera effectivement de s’appliquer. Il doit laisser un délai suffisant pour négocier éventuellement des compensations à la disparition de l’usage.
Il n’existe pas de durée de préavis légale, sa durée varie selon les circonstances.
Exemple
L’employeur qui respecte un délai de prévenance de 6 mois pour la suppression d’un 13e mois est en règle.
A l’inverse, s’il dénonce une prime qui devait être versée à la fin du mois ou même le mois suivant, les juges considèrent fréquemment ce délai comme trop court.
Jurisprudence Cass. soc. 3 mai 2012, n° 10-20738Respect du principe « à travail égal, salaire égal »
Sauf exceptions justifiée par des raisons objectives et matériellement vérifiables, l’employeur ne peut pas limiter les effets de la dénonciation uniquement aux nouveaux salariés embauchés.
Conséquence d’une dénonciation régulière
L’usage cesse de s’appliquer au terme du délai de prévenance. Les salariés ne peuvent donc plus prétendre au maintien de l’avantage en question, ni même invoquer une modification de leur contrat pour s’opposer à la dénonciation sauf si l’usage était contractualisé.
La fin de l’usage s’applique également aux salariés protégés.
Effets d’une dénonciation irrégulière
Si l’employeur n’a pas respecté la procédure de dénonciation, les salariés peuvent exiger le maintien de l’avantage prévu par cet usage.
Jurisprudence Ccass. soc. 3 mai 2012, n° 10-20738Accord collectif ayant le même objet que l’usage
Si un employeur conclut un accord collectif avec les syndicats qui a le même objet que l’usage en vigueur, cet accord se substitue automatiquement à l’usage sans que l’employeur ait à le dénoncer.
Effets de la contractualisation de l’usage dans le contrat de travail
L’usage est contractualisé lorsque le contrat de travail y fait référence.
Jurisprudence Cass. soc. 22 janvier 1992, n° 89-42840Il en résulte que le simple fait de remettre au salarié un document récapitulant les usages de l’employeur n’a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont écrits.
De même, l’employeur qui cherche à modifier un usage avec l’accord des salariés ne contractualise pas cet usage.
Toute modification ou suppression de l’usage contractualisé ne peut intervenir qu’avec l’accord des salariés concernés. La dénonciation de l’usage ou la conclusion d’un accord collectif ayant le même objet n’ont aucun effet.
Jurisprudence Cass. soc. 1er février 2012, n° 10-17394Survie de l’usage en cas de modification de la situation juridique de l’employeur
Dans ce cas, par exemple en cas de cession de l’entreprise, l’usage reste opposable au nouvel employeur.
Jurisprudence Cass. soc. 16 septembre 2015, n° 14-16158Mais le nouvel employeur n’est tenu d’appliquer les usages de l’ancien employeur que pour les salariés dont le contrat était en cours au jour du transfert. Peu importe que le maintien des usages provoque des inégalités entre les salariés.
Jurisprudence Cass. soc. 7 décembre 2005, n° 04-44594