Dans le royaume feutré et enchanté du monde du travail, la maîtrise du langage doit être de mise, tout débordement verbal peut être mal vu par ses collègues surtout lorsque ceux-ci sont la cible de vos attaques !
Mais qu’en est-il réellement ? Le fait d’injurier vos camarades de travail est-il sanctionnable par l’employeur ?
Une petite histoire de collègue
André dit Dédé pour les intimes est un de vos collègues de travail et pas de bol chaque matin il est d’humeur massacrante.
Vous avez beau lui faire des sourires en coin, lui amener son café tous les matins, ou lui raconter une blague façon Jean Roucas chaque lundi matin pour lui redonner le sourire, rien n’y fait !
Bref, malgré tous vos efforts, il continue à faire la gueule, et là ça commence à peser très lourd sur le moral des troupes, vos collègues n’en peuvent plus, y a même Jean-Philippe qui a arrêté de reluquer Sylvie la secrétaire de direction !!! Preuve est faite que c’est la CATA !
Alors vous prenez les devants et lors du pot de départ du vendredi organisé en l’honneur de Collette, vénérable et honorable comptable de l’entreprise, vous décidez d’aborder le sujet avec vos collègues.
Mais pas de chance les cinq ou six verres de vins blanc fruités que vous avez ingurgités pour oublier votre piètre condition de travail vous ont aussi fait oublier que Dédé était lui aussi présent à cette petite fête !
Et çà doit être le mot « enfoiré » prononcé quelques secondes après son prénom qui fait qu’aussitôt « Dédé » vous aborde en brandissant d’une main un bout de tarte aux pommes et de l’autre un verre de jus de raisin (au moins lui, il est pas bourré).
Les mots fusent et pris d’un élan soudain de rébellion, et certainement aidé par le Pouilly-Fuissé titrant 13 °C d’alcool, vous lui répondez de façon grossière et insultante, mais pas de problème car cela est permis par les juges. Arrêt de cour de cassation sociale du 29 février 2012
Et pourquoi s’arrêter là ! Pris dans ce tourbillon enivrant, vous vous laissez aller en psalmodiant que vous travaillez dans une « boite de con », mais aucun souci car cela ne justifie pas un licenciement selon un jugement de la Cour d’Appel. Cour d’Appel Dijon du 28 Septembre 1999.
Vos collègues alors piqués aux vifs, vous assaillent de nom d’oiseau, votre sang ne fait qu’un tour et c’est maintenant au gros Robert de la « compta » d’en prendre pour son grade, mais après tout il le mérite bien, ça fait 6 mois que çà gueule ne vous revient plus depuis qu’il a pris dans le distributeur automatique le dernier Kinder Bueno que vous convoitiez tant ! Et vous lui lancez d’un cri virulent : « gros tas de merde ! » mais aucun risque car cela est permis. Cour d’Appel de Rouen 25 Juin 2002
Et tant qu’à faire, Charles Henry du service RH va s’en prendre lui aussi plein la gueule, normal c’est à cause de lui que vous n’avez pas eu votre augmentation l’année dernière, vous lui suggérez donc « d’aller se faire foutre », mais là aussi ne craignez rien ces paroles ne sont pas non plus un motif réel et sérieux de licenciement. Cassation sociale n°96-41163 du 6 mai 1998
Et maintenant, c’est autour de Sonia qui a refusé vos avances lors du dernier sapin de noël d’entreprise d’en prendre pour son grade, d’après ce que vous lui dites ce n’est qu’une « tigresse perverse », soyez tranquille cela ne vous en coûtera que 2 jours de mise à pied disciplinaire. Cour d’Appel de Colmar du 15 décembre 2005
Et puis c’est l’apothéose, vous claquez la porte du réfectoire et sortez excédé en maugréant « vous êtes tous des salopards, de véritables connards, merde.. merde et merde », vous pourrez dormir tranquille car cela n’est pas une faute selon les juges. Cour d’Appel de Douai du 22 septembre 2000
Bon ok, mais après çà vous allez passer un week-end pourri pendant lequel vous allez ressasser toute cette histoire, et en plus le lundi suivant à peine serez vous arrivé au travail que votre patron vous convoquera dans son bureau et vous savez quoi il vous traitera de « con » et vous dira que vous le « faites chier » …. Mais comble de l’ironie, cela sera sans risque pour lui. Cour d’Appel d’Orléans du 4 octobre 2001
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